Le retour de Léo

Dans la forêt de Callisia, un homme marche, enjambant racine après racine, trou après trou, ruisseau après ruisseau… Sur son épaule repose quelque chose qui ressemble à un grand sac blanc sale, brun… La chose se balance d’un côté et de l’autre dans son dos, sans vie. En s’approchant un peu plus, l’on pourrait constater que cette chose qui ressemble à un sac est en réalité un homme. Petit, maigre, inerte, mais vivant. C’est Léo, le petit aveugle de Fukeru qui a disparut depuis… je ne sais même plus combien de temps. Quelques jours? Non, plutôt quelques semaines.

C’est le matin. Icare Idalson s’est apparemment tanné de son petit prisonnier, il s’en débarrasse. Il lui rend sa liberté, mais à quel prix? Léo va bientôt se retrouver seul au milieu de la forêt, entouré de bêtes et complètement perdu. Il n’a visité cette forêt qu’une seule fois, et s’y était perdu et ce, malgré Iris, son chien. D’ailleurs, sans le canidé, Léo ne vaut plus grand chose.

"Déguerpit!"

Léo est étendu parterre, la bouche entre-ouverte, les yeux tournés vers le ciel, les bras écartés, il ne bouge pas, ou à peine. Sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration sifflante.
Le soldat est agenouillé près du gamin, il vient de le poser par terre. Il ne sait pas trop quoi faire. Ses ordres étaient de lui rendre sa liberté, au petit, seulement là, il va se faire bouffer, ou il va tout simplement crever s’il reste comme ça.
"Aller, debout!"

Léo tousse. Il a peine à arrêter. Lorsqu’il parvient à respirer à nouveau, il se roule sur le côté, se soulève un peu à l’aide de ses bras.
L’homme se lève, l’attrape sous les épaules, le soulève et le repose sur ses deux pieds.

"Tient. Maintenant, va t-en."

Il se retourne et repart vers le repère de l’armée d’Idalson.

Léo demeure debout, au milieu de la forêt, immobile. Trois de ses sens sont alertes. Il écoute le vent qui fait vibrer les feuilles, les quelques rayons du soleil qui parviennent à traverser la cime des arbres, il ressent leur chaleur tout près, et puis cette odeur… Son odeur, détonne avec celle de la nature. Il tend une main devant lui et sent la lumière du soleil le réchauffer. Léo écoute les feuilles trembler à nouveau. Le vent le percute sur son côté droit, il vient de l’Est, il vient de Fukeru.
À cette pensée, le garçon se met à pleurer. Il ne sait pas pourquoi, ses jambes tremblent, il tente d’effacer ses larmes, mais elles coulent à flots. Sa chemise se retrouve vite fait parsemée de points humides. Il s’écroule, tombe à genoux sur la terre. Personne, personne pour lui dire qu’il faut se relever, continuer, retrouver Fukeru et les habitants qui prendront soin de lui. Pas de maman, pas de papa, pas d’Iris.
Léo pleure, il se recroqueville sur lui-même et arrose la terre de ses larmes salées. Pas de maman, pas de papa, pas d’Iris… Personne.
Il hurle tant il a mal. Il a mal au cœur, mal de vivre dans ce monde noir où il n’arrive plus à se retrouver.

Non. C’est faux. Il l’a découvert lui-même, le vent vient de l’Est.

*MAIS À QUOI BON!!! Y’a personne qui m’attend là-bas… Je suis mort…*

Icare l’a tué.

Les minutes passent, une heure s’écoule, et le vent continue de souffler, il persiste. Léo s’est endormi, replié sur lui-même. Il dort profondément, les sourcils froncés, les poings serrés, il est épuisé. Il n’entend même pas la bête s’approcher. L’animal a la tête basse, le museau tendu vers l’avant. Il ne reconnaît pas cette odeur. Le petit homme sent le mort, le sang, l’enfermement. Il s’approche encore un peu, parvient à la tête de Léo et se met à renifler ses cheveux.
C’est lui. C’est lui! C’est Léo! Le chien se met à parcourir du pif de haut en bas la petite boule que forme le corps du garçon. Il se met ensuite à lécher les mains meurtries, bleuies, les doigts, dont quelques-uns sont tordus, les pieds nus, écorchés, les chevilles découvertes, osseuses, les petits poignets tout aussi maigres, et puis le visage de Léo, dont les joues furent creusées par la faim. Iris est le chien le plus heureux du monde. Il avait perdu son maître, son chef de meute, son repère, mais il l’avait retrouvé, enfin!
Léo se réveille, remué par toutes ses caresses. Il ouvre les yeux, ne voit rien, évidemment, mais il sait qu’il est là. Léo caresse l’air de ses mains, à la recherche du poil, de la chaleur. Aussitôt, Iris avance sa grosse tête sale vers les petits doigts du garçon. Léo l’agrippe, comme il le peut, il le sert contre lui, presque violemment. Ils demeurent ainsi enlacés, homme et chien, plusieurs minutes, lorsque enfin Léo se recule. Il se baisse et embrasse Iris sur la tête. Le chien, en échange, lui fouette le visage de son épaisse langue. Léo sourit brièvement.

Les deux compagnons se mettent en route. Léo agrippe le poil d’Iris près de la nuque, malgré la douleur que cela lui procure, le chien prend les devants et se met en marche aux commandes du gamin.

"En avant."

Ils suivent le vent qui les guide, fidèle au poste. Ils marchent longtemps, s’arrêtant souvent. Léo s’épuise rapidement. Il tousse violemment et d’une toux rauque. Il a faim, ses doigts, ses pieds, son corps entier semble le faire souffrir.

À bout de forces, ils arrivent tout de même à l’orée de la forêt. À ce moment, Iris s’arrête. S’étend devant eux la plaine des yeux. Ils sont arrivés à Fukeru. Léo reconnaît l’odeur des fleurs étranges, celles qui, apparemment, ressemblent à des yeux. Il y a quelqu’un dans la plaine, Iris le sent. Il ne connaît pas cette personne et se méfie. Léo, confiant en son chien, n’ose pas lui ordonner d’avancer.
Les deux disparus ne bougent pas. Iris est devenu méfiant là-bas, seul dans la forêt à vivre comme une bête sauvage et Léo, il ne sait que faire. Ses jambes tremblotent, il tire légèrement Iris vers l’arrière. Qui c’est? Qui c’est qui les regardent? Mais Iris fait un pas vers l’avant, il grogne, maintenant.

[première réponse pour miss Soline]

Encore une fois, Ambre était sortie dans le but de trouver un compagnon à la licorne qui était à l'école. Malgré les soins que la jeune fille lui apportait, l'animal se sentait seule, et elle le savait. Ce qu'elle savait aussi, c'était que les licornes mâles étaient encore plus rares que les femmelles, mais elle sortait quand même. De toute façon, ces prmenades régulières lui faisaient du bien. Elle était perdue dans ses pensées, oubliant par la même occasion de regarder autour d'elle, quand elle fut dérangée par un bruit étrange.
Un chien, un chien assez grand, imposant, sombre, malgré une traînée blanche qu'Ambre ne voyait pas entièrement. et ce chien grognait, apparemment après elle.
Mais le plus étonnant, c'était le petit garçon qui se tenait à ses côtés. Un garçon qui semblait apeuré, qui tirait le chien en arrière sans que ce soit trop utile, un garçon maigre, dans un état lamentable. Il semblait avoir été maltraité, affamé aussi, ce qui eut pour effet d'annuler toute la méfiance qu'aurait du avoir Ambre à son égard. Le fait qu'il paraisse aussi jeune jouait aussi en sa faveur.
La femme fit quelques pas en avant et passa une main sur la tête du chient dans un geste qu'elle espérait apaisant. Après tout, les animaux, elle les connaissiat bien, mieux que les Hommes d'ailleurs... ensuite, elle parla à celui qui était apparemment le maître du chien.

" Q.. Qui es-tu? Que t'es-t-il arrivé? "

Les questions étaient pour une fois un peu trop directes, et sa voix presque pas hésitante, ce qui changeait de ses habitudes, mais elle voulait savoir, comprendre. Comprendre qui avait pu faire ça, alors qu'elle avait l'impression d'être plus en sécurité dasn ce monde que là d'où elle venait, même si elle avait toujours cette peur sourde au fond d'elle.
Elle avait aussi peur de perdre le peu d'illusions qu'elle avait, peur de retrouver cet état d'esprit de peur totale qu'elle avait eu et de voir tous les petits progrets qu'elle avait pu faire annulés. S'il y avait bien une chose dont elle n'avait pas envie, à part se faire à nouveau agressée, c'était de régresser.

Le visage de Léo était agité de tics nerveux. Il retroussait le nez, fronçait les sourcils et ses yeux semblaient chercher quelque chose d’invisible. Le garçon, entendant la personne s’approcher, tirait plus fort le chien vers l’arrière.

"Aller vient! Vient Iris!"

En ressentant de plus en plus précisément la présence de l’inconnu, le cœur de Léo s’agitait, se mettait à battre de plus en plus vite. Pourquoi cette peur? Cette méfiance paniquante? Son séjour chez Idalson semblait l’avoir gravement affecté. Léo avait peur. Et si cette personne c’était Icare qui était revenu le chercher, lui disloquer un autre doigt?

"NON!" Cria t-il, enterrant les paroles de l’inconnue, qu’il n’entendit donc point.

Léo lâcha Iris et fit plusieurs pas vers l’arrière. Il buta contre la racine d’un arbre et tomba parterre, entre les arbres de la forêt dans laquelle il venait de remettre les pieds. Le chien avait profité de sa liberté pour approcher la jeune femme. Il avait reconnu l’odeur de Fukeru et de ses habitants. Ceux qui jadis, l’avait nourri et l’avait caressé, parfois malgré les contre-indications de Léo.

Iris reniflait à présent la main que la jeune femme avait utilisée pour le caresser, ou pour le calmer, mais enfin, lui, il avait prit le geste pour une caresse et avait cessé de grogner. Sa queue fouettait l’air de gauche à droite et sa langue pendait dans sa gueule ouverte.
Le gamin, lui, était étendu par terre, sur le dos. Il parvint à se redresser, mais en posant ses mains sur le sol et en s’appuyant dessus, se fut trop douloureux, il grimaça de douleur et joignit ses mains ensemble, qu’il colla contre son torse. Il prenait de grandes inspirations rapides, tentant de calmer sa peine.

Léo sentait les larmes monter à nouveau. Il se mit à secouer la tête.

*Non, pas des larmes, pas encore. J’suis fatigué… J’veux plus, j’veux dormir, j’veux dormir pour toujours…*

Léo continuait de tenter de s’éloigner de la personne devant lui, s’aidant de ses talons qu’il utilisait comme appui pour reculer, demeurant assis sur le sol.

"N’approchez pas… murmura t-il de façon à peine audible. N’approchez pas n’approchez pas n’approchez pas N’APPROCHEZ PAS!" Finit-il par hurler.

On aurait dit un animal sauvage, blessé. Léo tremblait, non seulement de maladie, mais de peur. Même si cette femme lui voulait du bien, il n’en avait que faire et n’en serait pas convaincu avant…Longtemps.
En continuant à reculer sans voir où il allait, Léo finit par percuter un arbre. Adossé contre le tronc du large chêne, il était coincé. Il replia ses jambes vers lui et nicha ses mains entre ses cuisses et son ventre. Léo plia l’échine et cacha son visage.

Ambre avait réussit à calmer le chien, mais le maître lui restait indomptable. Il fuyait, et elle ne cherchait plus à approcher. Elle pouvait comprendre cette peur irrationnelle, et même si elle ne savait pas ce qu'avait vécu ce petit garçon, elle devinait que c'était une épreuve bien trop lourde pour lui.
Ses paroles la frappèrent, toujours les mêmes mots, comme un refrain. Ne pas l'approcher. Elle resta à distance, mais ne s'éloigna pas. Mais son attitude, son attitude aussi lui laissait un sentiment étrange. L'ensemble de ses gestes et des mots qu'il prononçait rappelaient à la jeune femme celle qu'elle avait été il y avait déjà quelques mois, et qu'elle était toujours, avec peut-être un peu moins de crainte.
Elle s'assit, toujours sans l'approcher, et lui parla, essayant de maîtriser les tremblements de sa voix. Elle ne devait pas pleurer, elle n'avait pas à le faire. Ce n'était pas elle qui avait besoin d'aide ici, et elle le savait.

" D'accord, je reste en arrière. Je ne m'approcherai pas si tu ne le veux pas. Je ne te veux aucun mal. "

Elle ne lui redemanda pas ce qui s'était passé. C'était peut-être trop récent, peut-être n'était-il pas prêt à en parler. Peut-être aussi en avait-il besoin, mais dans ce cas, il ferait certainement quelque chose dans ce sens.
Elle ne voulait surtout pas le brusquer, surtout pas poser trop de questions. Ce qu'il fallait, ce qu'elle voulait, c'était y aller doucement. Tout doucement. Lui faire comprendre qu'elle voulait juste l'aider, et rien de plus. Et peut-être qu'en l'aidant lui, elle pourrait s'aider elle-même...
Distraitement, elle passa sa main sur son ventre, au dessus de son T-shirt, touchant à travaers le tissus sa cicatrice. C'était un geste qu'elle faisait souvent, un geste presque mécanique. C'était la seule blessure physique qui lui restait, même si elle ne la faisait presque plus souffrir. Seules les blessures psychologiques restaient vraiment douloureuses, et souvent, elle avait peur, plus comme le garçon qui lui faisait face, mais les conact physiques la rebutaient, elle les refusait toujours.

[désolé du retard! Je reprends du service à partir du 3, régulièrement je veux dire ]

Elle ne venait pas vers lui, elle demeurait à distance. Léo s’attendait à l’entendre approcher, insister et pourtant, non. Elle ne fit rien de la sorte, bien au contraire, elle le laissait s’éloigner, se replier, se sauver, mais elle restait là, un peu plus loin, et attendait. Mais attendait quoi? Qu’il vienne à elle? Non, jamais. Jamais il n’agirait de la sorte, songeait-il.
Étrangement, Léo sentit la personne en face de lui devenir plus fragile. Habitué à analyser les gens par leur voix, leur débit, leur ton, enfin, tout ce qui est audible, Léo avait sentit la très légère hésitation, le tremblement qu’elle tentait de contrôler et cela le fit se calmer un peu. Toujours replié sur lui-même, son visage se relaxait et ses tics étaient moins présents, moins intenses. Pourquoi devenait-elle sensible ainsi? Cette question demeurerait sans doute sans réponse.

Les paroles que la jeune femme prononça par la suite déstabilisèrent Léo davantage. Elle venait simplement prouver qu’elle respectait son désir de demeurer à l’écart, de ne pas être approché. Au début, cela eut pour effet sur Léo de le faire se replier encore plus sur lui-même et même de tenter de reculer encore, mais le solide et imposant arbre l’en empêchait et le jeune aveugle ne se risquerait pas à s’aventurer sans repères nulle part. Il en avait déjà eut l’expérience, trop souvent, et redoutait à présent d’être laissé à lui-même.
Comme il aurait souhaité qu’Iris revienne vers lui! Léo voulait sentir sous ses doigts crochus le poil épais de son compagnon canidé. Le chien demeurait assis entre Léo et la jeune femme. À un moment il se leva, alla vers Léo, puis retourna vers l’inconnue. Que faisait-il? Tentait-il de rassurer Léo? Même si là n’était pas son intention, c’est ce que son comportement eut comme effet.

*Iris lui fait confiance…*

Alors devrait-il, lui aussi? Il avait toujours eut confiance en son chien guide, pourquoi changer si subitement?

*Icare…*

Rien que de songer à son nom lui donner mal au cœur. Plusieurs minutes de silence passèrent. Léo restait accroupi, méfiant, mais de moins en moins. Iris s’était couché, il attendait.
Enfin, Léo ouvrit la bouche. La voix qui en émana fut faible, à peine audible.

"Q..qui êtes-vous?"

Ambre avait-été un peu inquiète en remarquant le silence du garçon. Et s'il n'arrivait pas à lui faire confiance? Si elle n'arrivait pas à l'aider, même pas un petit peu? Elle doutait de plus en plus, mais ele n'avait pas bougé. Elle ne partirait certainement pas si vite... elle n'aimait plus se mêler aus autres, mais pour la première fois depuis longtemps, elle avait envie d'aider quelqu'un. Enfin... non, ce n'était pas vraiment la première fois, mais ça n'avait pas vraiment été pareil avant. Il y avait bien sûr eu Zak, mais elle avait d'abord été intéressée par la louve blessée, sans ça, elle ne l'aurait jamais approchée... alors que dans ce cas, c'était l'enfant qui l'avait intéressé en premier. Et elle espérait qu'elle pourrait faire autre chose que lui indiquer le chemin du village... mais heureusement, il avait parlé. Il lui avait posé une question, lui avait demandé son identité. Et elle lui répondit, sans trop d'hésitations, avec une voix qu'elle voulait la plus calme possible.

" Je m'appelle Ambre, je ne suis pas ici depuis longtemps, mais je suis professeur à l'école, je m'occupe des cours de soin aux animaux... "

Etrange, elle avait réussi à ne pas trop bégayer ni bafouiller pour une fois. C'était une chose rare, mais avec un peu de chance, ça le deviendrait de moins en moins. Mais elle en oubliait une chose importante, elle ne connaissait toujours pas le nom du garçon...

" Et toi, qui es-tu? "

Elle ne l’avait pas vouvoyé, par réflexe sans doute. Vouvoyer quelqu'un de si jeune ne lui était jamais venu à l'esprit, même si lui, il l'avait vouvoyée... non, les choses étaient très bien ainsi.

Ambre regardait le garçon d'un air triste. Il disait qu'il s'appellait Léo, et qu'il lui révèle son nom était déjà une bonne chose. Il disait aussi qu'il vivait à Fukeru. Elle ne l'y avait jamais vu, mais c'était vrai qu'elle ne faisait pas réellement attention à son entourage. Pourtant, étant donné son âge, elle aurait pu le voir à l'école.

En tout cas, il avait peur, moins qu'au début de leur rencontre, mais il n'en était pas pour autant calme... elle ne savait pas ce qui avait causé cette peur, et elle n'allait pas le lui demander tout de suite, c'était certainement trop tôt... non, ce qu'il fallait c'était trouver un moyen de le rassurer encore. Et une chose était certaine, il ne se sentait pas en sécurité là où il était. Où aller alors? Dans un lieu qu'il connaissait déjà. Et la seule indication qu'il lui avait donné, c'étaiot Fukeru. S'il ne voulait pas y aller, tant pis, ils trouveraient bien un endroit où l'emmener.

" Tu... tu veux qu'on aille au village? On y sera peut-être mieux... "

Ambre espérait que cette proposition plairait à Léo, que retourner à Fukeru lui ferait du bien, ou lui ferait plaisir. De toute façon, rester ici ne ferait pas avancer les choses, et c'était la seule idée qu'elle avait.
Aurait-elle réagit de la même manière si au lieu d'un enfant elle avait trouvé un adulte? Un homme potentiellement capable de lui faire du mal? Elle n'en savait sincèrement rien. Peut-être aurait-elle vaincu sa peur si lui avait été aussi effrayé que Léo, ou peut-être se serait-elle enfuie. Elle n'était pas vraiment courageuse, les deux solutions étaient aussi valables l'une que l'autre... en tout cas, Léo était un enfant, un enfant qui avait certainement été maltraité, et qui avait besoin d'aide. Une aide que la professeur comptait bien lui apporter. Elle espérait juste qu'elle serait assez forte pour y arriver...

Ambre était soulagée. Léo lui avait tendu la main, et elle était bien placée pour savoir que c'était un signe de confiance. C'était une chose qu'elle ne faisait jamais, elle... et pendant une fraction de seconde, elle hésita. Mais heureusement, cette hésitation ne dura que peu de temps, et elle prit la main du garçon dans la sienne. Elle n'aimait pas vraiment le contact d'une peau étrangère contre la sienne, mais l'enfant ne lui faisait pas peur, alors ça allait. Et il faudrait bien qu'elle se réhabitue à ce genre de contacts, elle ne pouvait pas vivre toute sa vie avec la peur d'être touchée... surtout que d'après ce qu'elle savait, la vie ici risquait d'être longue.

La jeune femme lui sourit, mais bien elle avait l'impression qu'il ne la voyait pas. Il ne lui avait rien dit à ce sujet, mais ses gestes, sa façon de marcher, la présence de son chien à qui il semblait être attaché... toutes ces choses lui donnaient l'intuition que sa vue n'était pas totale, inexistante peut-être.

" Je vais te guider. "

Elle commença à marcher, n'allant pas trop vite. Surtout, ne pas brusquer Léo. Il semblait si fatigué... encore une fois, elle se demanda ce qui lui était arrivé, et encore une fois, elle ne le lui demanda pas. Sa fatigue ne devait pas être que physique, et à ce niveau aussi elle voulait y aller doucement. Au fur et à mesure qu'elle marchait, elle se détendait, commençait à s'habituer à la main de Léo dans la sienne. Cela voulait-il dire qu'elle accepterait plus facilement d'être touchée? Non, pas si vite. Seulement, elle commençait à voir le moment où elle pourrait serrer la main de n'importe qui comme possible à nouveau. C'était devenu une hypothèse, et c'était déjà un pas en avant.

Ambre avait remarqué que Léo avait ralenti, et elle s'était adaptée à son rythme. Elle ne savait pas s'il hésitait à entrer dans Fukeru, mais elle ne le lui demanda pas. Quand il s'arrêta, elle se demandait encore la raison, mais ça ne dura pas longtemps, puisqu'il ne tarda pas à lui expliquer. Et elle comprennait.

Elle n'avait pas vécu ça, n'avait pas refusé de voir les autres, mais s'était cloîtrée dans sa tête pendant longtemps, quelques mois où elle n'avait pas parlé, se contentant de pleurer et de communiquer par de brefs signes, pour indiquer aux médecins où elle avait mal ou pour répondre aux questions de la police. Et même après, avait-elle déjà raconté ce qui lui était arrivé? Elle l'avait fait sommairement, mais n'était jamais allée plus loin, n'avait jamais réellement raconté ce qui s'était passé. Toujours évité les questions. Alors elle n'en posa pas à Léo, même si elle avait envie de savoir. Elle mit plutôt sa main libre sur l'épaule du garçon, et lui répondit.

" C'est pas grave. Tu as tout le temps, on peut attendre, et on rentrera quand tu seras prêt. En attendant, on trouvera bien un endroit où aller. "

Elle n'avait pas vraiment d'idées pour l'instant, mais à eux deux, ils trouveraient bien une solution. Bien sûr, elle ne pourrait pas rester tout le temps avec lui, il faudrait bien qu'elle rentre dans le village de temps en temps, au moins pour les cours qu'elle donnait. Elle n'avait pas une foule d'élèves, mais ce n'était pas une raison... mais qu'elle sue soit la situation, elle ne laisserait pas tomber Léo. C'était quelque chose qu'elle n'envisageait même pas. Elle resterait avec lui le plus longtemps possible, et quand elle serait forcée de s'éloigner, elle reviendrait au plus vite. La question était de savoir où... et malgré toutes ses jolies réflexions, elle n'avait pas trouvé de solution à ce problème.